Le gouvernement veut limiter le recours aux contrats courts avec un bonus/malus pour les employeurs
Après la publication des ordonnances de réforme du Code du Travail et alors qu’il vient d’engager les concertations pour réviser l’assurance chômage, le gouvernement étudie la mise en place d’un taux de cotisation variable en fonction des contrats de travail pour limiter le recours des entreprises à des contrats courts.
Les contrats à durée de moins d’un mois sont en effet passés en quinze ans de 1,5 million par trimestre à plus de quatre millions, selon une étude de l’Unedic.
Le dispositif de bonus-malus imaginé par le gouvernement devrait concerner les contrats de courte durée dont le taux actuel de cotisation s’élève à 4,05% (4,55% pour les CDD d’usage). Il s’agirait de leur appliquer un taux variable de 2% à 10% en fonction du « comportement » des entreprises en matière d’embauche.
Dans cette optique, plus un employeur fera tourner sa main d’œuvre, quelle que soit la nature du contrat (CDD, CDI, intérim, intermittence…), plus le taux de cotisation patronale augmentera. En revanche, les entreprises qui connaissent un faible turn-over de leurs salariés ou misent sur la formation pour assurer leur reconversion en cas d’inactivité devrait se voir appliquer des cotisations moins élevées.
Actualisation annuelle des cotisations
A l’heure actuelle, le financement du régime de l’assurance-chômage est assuré par une cotisation d’un taux de 2,4% pour les salariés et de 4,05% pour les entreprises (il était de 4% jusqu’au 01 novembre 2017 avant l’application d’une surtaxe de 0,5% prévue pour 3 ans). Fin 2018, le taux de cotisation des salariés devrait disparaître pour être remplacé par une hausse de la CSG.
De son coté, le taux de cotisation des employeurs devrait à l’avenir être actualisé chaque année selon leurs pratiques de recrutement sur les 3 années précédentes. Le calcul de la cotisation devrait ainsi prendre en compte les dépenses d’indemnisation générées par l’entreprise sur cette période donnée.
Un bonus ou un malus s’appliquerait alors à l’entreprise selon que ses dépenses d’indemnisation dépassent ou sont inférieures à la moyenne nationale. Ainsi, une entreprise qui fait tourner sa main-d’œuvre cotisera plus qu’une entreprise qui conserve ses salariés plus longtemps.
Un taux de cotisation échelonné
Selon les options à l’étude par les gouvernement, les taux de cotisation pourraient varier de 2% pour les entreprises les plus vertueuses en terme de recrutement, à 10% pour celles qui abusent du recours à de multiples contrats de courte durée.
Le dispositif imaginé fonctionne selon une logique de gagnant/perdants qui devrait s’équilibrer et qui rappelle celle appliquée pour la branche accidents du travail de la Sécurité sociale. Le gouvernement se réservant par ailleurs la possibilité de moduler les taux en fonction des secteurs d’activité.
Les secteurs qui auraient le plus à craindre de cette nouvelle mesure seraient l’hôtellerie et la restauration ainsi que l’événementiel même si ces derniers devraient auparavant bénéficier fortement de la transformation du CICE en baisse des charges patronales. De leur coté, les secteurs de la banque, l’industrie ou l’assurance semblent moins touchés par cette potentielle réforme.
Un projet qui suscite les craintes du patronat
Au printemps dernier, la dernière négociation de la convention d’assurance-chômage avait prévu de renvoyer les discussions concernant la limitation du recours aux contrats courts aux branches professionnelles. Pour autant, aucune négociation n’a été entamée à ce jour, les responsables patronaux en rejetant la faute sur le calendrier de l’élection présidentiel même si celle-ci ne les a pourtant pas empêché de renégocier la convention Unedic au printemps.
Cet immobilisme a sans doute poussé le gouvernement à passer à l’action avec cette proposition de bonus/malus pour modifier le comportement des employeurs et limiter la précarité associée aux contrats courts. L’entourage du Ministère du travail a cependant tenu à préciser qu’elle devrait être mise en place de manière graduelle sans que cela nuise à l’emploi.
Pour autant, les organisations patronales se montrent très réticentes à cette réforme, notamment le Medef qui argue que l’intérêt général ne consisterait pas à défendre certains secteurs au détriment des autres, malgré le fait qu’ils soient minoritaires.
Le Président du Medef s’est ainsi élevé contre ce projet de réforme qu’il juge « contre-productif » et considère comme « une absurdité ». Il considère que cela va ainsi accentuer le recours des entreprises aux services des auto-entrepreneurs, dont le gouvernement a prévu de doubler les plafonds de chiffres d’affaires dès 2018.
De son coté, le secrétaire national de la CGC, le syndicat des cadres, se déclare plutôt favorable à cette mesure qui reprend le principe du pollueur payeur. Le syndicat Force Ouvrière affiche également sa satisfaction même s’il travaille sur une autre proposition pour limiter le recours aux contrats courts.