Les ordonnances de réforme présentent des risques de contentieux juridiques

Donner un cadre plus clair aux futurs accords était l’objectif de la nouvelle articulation entre branche et entreprise tel que défini par le gouvernement dans ses ordonnances de réforme du Code du travail.

Pour autant, il semblerait que la formulation imprécise du texte puisse engendrer de nombreuses possibilités de contentieux.

Une répartition sur trois blocs

La première ordonnance fixe la nouvelle architecture reliant la loi et les accords collectifs signés au sein des entreprises ou des branches. Afin d’arriver à une clarification de la situation, le gouvernement a effectué une répartition sur 3 blocs du sujet, afin de préciser ce qui relève de la branche ou de l’entreprise.

L’articulation des blocs se fait comme suit: le premier bloc fixe les sujets verrouillés par la branche professionnelle, qui sont au nombre de onze tandis que le deuxième aborde quatre thèmes que l’accord de branche peut se réserver sous réserve d’une formulation précise de sa part.

Enfin, le dernier bloc regroupe l’ensemble des autres sujets pouvant faire l’objet d’un accord d’entreprise, incluant des dispositions moins favorables pour les employés.

Quelles sont les limites des accords d’entreprise?

La question qui se pose concerne les sujets qui vont primer sur les accords d’entreprise. Il faut cependant noter l’inexistence d’une liste exhaustive des thèmes qui peuvent être abordés dans le troisième bloc. Selon la plupart des avocats en droit social interrogés sur ce sujet, il s’agit de tout le reste. C’est à dire que tout ce que les blocs 1 et 2 ne mentionnent pas peut faire l’objet d’un accord d’entreprise.

Ainsi, si nulle part il n’est stipulé que l’entreprise ne peut conclure l’accord, cela veut donc dire qu’elle le peut. Nombreux sont les sujets potentiels qui constituent des risques (Salaire, mise en place du travail de nuit,…) mais qui ne sont pas cités de façon explicite dans les ordonnances.

En outre, l’adoption des accords devra se faire de façon majoritaire au sein de l’entreprise et les syndicats qui représentent au moins la moitié des suffrages exprimés lors des dernières élections devront y apposer leur signature. Néanmoins  on craint la multitude débats qui peuvent se passer avant et après cette signature.

Verrouillage douteux des thèmes

La plus grosse imprécision est située ailleurs dans le texte. Effectivement, le législateur a fait en sorte d’accorder le maximum de place à l’accord d’entreprise mais sans laisser la branche à l’abandon. Il s’agit de la logique de compromis qui est formulée précisément dans les ordonnances.

Pour les blocs 1 et 2, il est précisé par le texte que l’accord de branche sera supérieur à l’accord d’entreprise excepté si cet accord contient des « garanties au moins équivalentes ».

Cette expression est particulièrement floue et devrait donner du fil à retordre aux juristes. Pascal Lokiec, professeur de Droit la Sorbonne, n’hésite d’ailleurs pas à la qualifier d »ovni juridique » et prévoit ainsi qu’elle va susciter de nombreuses batailles d’interprétations par rapport à sa signification exacte.

Il faut en outre redouter que cette formulation vague permette aux entreprises de faire à leur guise ou du moins faire sauter le garde-fou du principe de faveur.

Les « garanties au moins équivalentes », sac de nœuds juridique

Les ordonnances donnent donc aux entreprises la liberté de signer un accord qui s’imposerait à l’accord de branche, sur des thèmes telles que les garanties collectives ou les conditions de renouvellement de la période d’essai, qui sont pourtant verrouillées a priori.

Le terme « au moins équivalent » ne signifie pas pour autant que l’accord d’entreprise peut clairement aller en deçà de ce qui est proposé. Les juges ne peuvent pas accepter un accord d’entreprise qui revient sur neuf dixième des droits existants.

Cependant, le flou est bien présent dans les textes. Il est en effet difficile de comprendre précisément ce que des « garanties au moins équivalentes » veulent exactement dire. Les avocats ont actuellement de multitudes d’interprétations à donner mais la certitude n’est pas encore au rendez-vous pour ces professionnels du droit.

Il se pourrait donc qu’il faille s’attendre à une hausse du nombre de contentieux engendrée par ces textes collectifs.