Les managers intermédiaires, des gilets jaunes comme les autres ?

Alors que le mouvement des gilets jaunes a pris une grande ampleur et interroge tant le monde politique que les journalistes et les intellectuels, la chercheuse Aurélie Dudézert a publié une tribune faisant le rapprochement entre les caractéristiques des manifestants et celles des managers intermédiaires.

Les managers intermédiaires, un groupe hétérogène comme les gilets jaunes

L’une des particularités du mouvement des gilets jaunes est de ne pas être porté par une frange spécifique de la population. Il regroupe au contraire des personnes issues de groupes sociaux différents et réunis au sein du concept un peu vague de classe moyenne. Ce terme est employé pour classer des individus qui ne se pensent ni vraiment riches ni vraiment pauvres et sont donc des sortes d’intermédiaires entre deux mondes qui sont, eux clairement identifiés.

Le groupe des managers intermédiaires, ou de proximité, présentent des caractéristiques très similaires. Groupe tout aussi hétérogène que la classe moyenne dans la société civile, ces managers sont eux aussi des intermédiaires pris entre les collaborateurs à qui ils donnent des instructions et des top managers dont ils doivent mettre en œuvre les directives.

Le mal-être des managers intermédiaires, source de révolte

D’après une étude de l’institut OpinionWay parue cette année, 41% des managers considèrent que leur fonction est inutile dans le monde du travail actuel. Une autre étude, plus qualitative, réalisée par le Club Digitalisation et Organisation de l’Anvie |1] auprès de managers de grandes entreprises françaises, montre que la mise en œuvre de la fonction de manager est vécue comme impossible aujourd’hui. C’est ce qui explique le sentiment d’inutilité ressenti.

La source du problème est simple : les managers intermédiaires constatent que les méthodes d’encadrement employées par leurs supérieurs, généralement fondées sur le Command and Control (planification et contrôle des tâches) sont totalement inadaptées au management de leur subalternes. Ils les considèrent comme contreproductives au regard de l’évolution des pratiques de travail (polyvalence, adaptation, etc) et du niveau de qualification de leurs équipes (niveau de formation plus élevé, autonomie, etc.).

Or, c’est le mode de management fondé sur le reporting, le contrôle et la structuration stricte des processus qui est affirmé comme légitime par leurs supérieurs, le top management, et qu’ils doivent appliquer à leur équipe. D’où l’impression chez ces managers de proximité d’une déconnexion forte des dirigeants avec la réalité de la pratique de travail et le sentiment que leur fonction est intenable.

Par conséquent, la tension entre les modalités d’encadrement qu’ils mettent aujourd’hui en œuvre dans leurs équipes et les contraintes exercées par leur propre hiérarchie structurées autour du Command and Control est insupportable. Un fort mouvement de contestation est ainsi perceptible au sein de cette population « du milieu ».

[1] Association nationale de valorisation interdisciplinaire de la recherche en sciences humaines et sociales auprès des entreprises